Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/298

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Vous cognoissez l’humeur assez changeante de celuy avec qui nous avons affaire, et que, jusques icy, il ne s’est trouvé personne qui l’ait peu arrester. Si Clarinte vient au bout de ses desseins, jugez de quelle sorte elle nous esloignera de la Cour, afin de ne tomber en la mesme confusion où elle nous auroit mis. C’est pourquoy, maintenant que les choses ne sont point tant avancées que nous n’y puissions remedier, il faut que nous recherchions tous les artifices que nous pourrons imaginer pour nous mettre à couvert de cet orage. De penser que nous puissions user de violence, et y faire consentir l’esprit blessé de ce prince, c’est estre bien ignorant des effects qu’Amour a accoustumé de produire a son commencement, puisqu’il n’y a rien qui le rende plus grand que les contrarietez qu’il y rencontre, semblable en cela au brasier, que le vent rend plus grand et plus allumé. De croire aussi qu’en dissimulant ou ne faisant pas semblant de le cognoistre, le temps puisse nous y apporter quelque bon remede, c’est un fort mauvais et fort dangereux conseil, parce qu’encores que l’amour qui n’est point contrarié, peu à peu de soy-mesme se destruise, et enfin devienne presque moins que rien, si est-ce qu’en cette occasion, l’attente est aussi perilleuse que le danger en est du tout inevitable, puisque jamais l’amour ne diminue qu’apres la possession. La possession de Clarinte ne sera jamais sans