Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/305

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que, pour vaincre, il n’y avoit point de ruse qui fust blasmable.

C’est presque une chose ordinaire que toutes les personnes de condition relevée choisissent, entre ceux qui les servent, quelqu’un qui leur est plus agreable, et auquel ils se confient plus qu’à tout autre. Clarinte en avoit fait de mesme entre les filles qui la servoient, car il y en avoit une qu’elle aimoit et en laquelle elle se fioit entierement. Alcyre, qui sçavoit combien ces personnes ont de puissance et de credit aupres de celles qu’elles servent, avoit de longue main recherché la bien-veillance de cette fille. Et comme il estoit fort accomply chevalier et fort liberal, il se l’estoit tellement acquise, que, pour peu qu’il voulust s’y peiner davantage pour le nouveau dessein qu’il faisoit, il luy fut aisé d’en donner cognoissance, telle qu’il luy pleut, à Amintor. Ayant donc acquis cette fille de cette sorte, toutes les fois que son compagnon le rencontroit aupres de la belle Clarinte, il luy laissoit la place et s’en alloit entretenir cette fille, qu’il esloignoit des autres, et s’il s’appercevoit qu’Amintor le regardoit, il sousrioit avec elle et avoit tousjours quelque secret à luy dire à l’oreille, faisant tout ce qu’il pouvoit pour le faire entrer en quelque soupcon.

Amintor, qui prit garde incontinent à cette nouveauté, suivant le naturel de ceux qui aiment, soupçonna bien tost