Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/35

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tout a cette heure. Et à ce mot, il s’avanca, faisant semblant de luy vouloir prendre le dessous du menton, mais elle se recula, et faignant un visage severe, dit au berger : Si vous satisfaites à toutes vos debtes avec mesme monnoye, je suis d’avis que ceux à qui vous devez vous en quittent aussi bien que je fay, puis que le payement en est si mauvais. Et toutesfois, ingrat, si ne pouvez-vous nier que l’obligation que vous m’avez ne soit grande, quand-ce ne seroit que pour avoir changé vos fascheuses pensées en la veue de cette belle Diane. - Cette obligation, dit-il, est grande, si vostre intention est telle que vous la dites ; mais parce que tout present qui vient de l’ennemy, peut estre soupconné de trahison, pourquoi ne diray-je, qu’en ce bien que vous m’avez fait, vostre dessein a esté tout au contraire ? - Et quel, repliqua Phillis, pourroit-il avoir esté ? - Vous avez peut-estre pensé, dit-il, que les rigueurs de ma maistresse me donneroient plus de peine que l’incertitude de mes, pensées ; ou bien, parce que vous sçavez, que plus on void la chose aymable, et plus l’amour s’en augmente, vous avez creu ne me pouvoir faire mourir plus promptement qu’en me faisant voir cette bergere, afin d’en faire de sorte augmenter ma flamme, qu’il n’y ait plus d’esperance de salut pour moy. Mais Phillis, ne croyez pas que je refuse cette mort, puis que je sçay bien que je