Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/53

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de tant de desplaisirs ! - Les dieux, respondit l’escuyer, se plaisent autant à favoriser de leurs graces ceux qui essayent avec courage et prudence de s’ayder eux-mesmes en leurs infortunes, qu’à combler de disgrace ceux qui perdant le cœur et le jugement, ne sçavent recourir qu’aux prieres et aux vaines larmes. Pourquoy pensez-vous qu’ils vous ayent donné une ame plus genereuse qu’à tant d’autres personnes ? Croyez-vous que ce soit pour en user, et vous en servir seulement aux prosperitez, ou aux rencontres de la guerre ? C’est, seigneur, pour en produire les effects en toutes les occasions qui se presentent, et principalement aux adversitez, afin que ceux qui verront ces vertus en vous, louent les dieux d’avoir mis en un homme tant der perfections, et que les considerant en vous, ils ayent cognoissance de celle de l’ouvrier. Et voudriez-vous maintenant trahir leur intention, et les esperances que chacun a eu de vous ? Je me souviens, seigneur, d’avoir ouy dire à ceux qui vous ont veu en vostre enfance, et en vostre plus tendre jeunesse, que dés le berceau vous donniez cognoissance d’un courage si relevé, et si genereux, que chacun jugeoit que vous seriez en vostre temps exemple à chacun d’une ame invincible. Et voudriez-vous bien pour si peu démentir de si favorables jugemens ? Plusieurs femmes ont creu chose honteuse de fléchir aux