Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/556

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aux plus rares, plus estimées et plus relevées. Et c’est ce qui me fait juger que si Madonte, apres avoir tant mesprisé Tersandre, est venue à l’aymer, elle en peut bien faire autant de vous, contre qui il n’y a que de la hayne, n’y pouvant trouver lieu de mespris.

– Mon amy, luy repliquay-je, l’amitié que tu me portes, te fait parler ainsi à mon advantage. – J’en parle, dit-il, comme tous ceux qui sans passion en peuvent parler. – Et bien, luy dis-je, qu’est-ce enfin que tu voudrois que je fisse ? – Mon affection, seule, me respondit-il, est celle qui me donne la hardiesse d’ouvrir la bouche en cecy et je vous supplie, seigneur, de recevoir mes paroles comme venant de là. Et puis que vous me le commandez, je vous diray que je voudrois que vous reprinssiez la mesme sorte de vie que vous souliez faire, afin d’essayer si par quelque rencontre vous ne pourriez point recouvrer le bien qui vous a esté ravy, et la perte duquel vous afflige si cruellement. Car de demeurer icy davantage, je ne voy pas qu’il vous en puisse arriver que du mal ; j’ay tousjours opinion que Madonte ne vous hayt point, ou si elle vous hayt, qu’elle n’ayme pas tant Tersandre que vous pensez, ou si elle l’ayme, que comme elle a changé desja une fois, elle en pourra changer une autre, car j’ay ouy dire que tout change en ce monde. Mais si cela advient, et qu’elle croye que vous soyez mort, ce changement ne vous servira de rien, au lieu que si