Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/557

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elle vous voit, il est impossible que vos merites ne fassent revivre encores cette premiere bien-veuillance. Seigneur, continua-t’il, esteignez une chandelle, et la rapprochez un peu d’une autre qui soit allumée, vous verrez qu’aussi-tost que la fumée de la mesche esteinte donnera dans la flamme, elle se r’allumera avec une telle promptitude, qu’il n’y a souffre où le feu se prenne si aisément. Le cœur qui a aymé est de ceste sorte quand il est devant la personne aymée, au lieu que l’absence n’oste pas seulement tout l’espoir de ce que je dis, mais de plus elle est la ruine et la mort de l’amour la plus violente. – Et bien, bien, luy dis-je, Halladin, nous y penserons et nous verrons ce que le Ciel nous conseillera. Et me tournant de l’autre costé, je fis semblant de vouloir reposer, et toutesfois ce n’estoit que pour ne le vouloir escouter davantage, puis qu’il me conseilloit contre l’humeur solitaire en laquelle j’estois.

Mais la lumiere estant esteinte, et ne pouvant si tost m’endormir, je commençay de repenser à tous les discours et à toutes les raisons d’Halladin, et les trouvant assez bonnes, je fis presque resolution de partir de ce lieu, y estant mesme convié par le puissant desir que j’avois de mourir, car j’esperois que cherchant les adventures qui se rencontrent ordinairement, j’en pourrois trouver quelqu’une qui me conduirait au trespas. Outre que je prevoyois qu’il estoit impossible de demeurer