Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/606

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moy ne sommes pas semblables ; car eux, par deux et trois fois reprennent et renouent leurs marchez, voire s’ils n’ont pas l’argent, l’empruntent sur leur crédit, mais moy, jamais plus je n’y reviens, lors que la premiere fois j’ay manqué de l’achepter.

– Voilà, dit Daphnide en sousriant, la plus belle façon d’aimer dont j’aye jamais ouy parler. – Il est vray, dit Alexis, mais elle n’est pas tant à mon advantage que je desirerois bien, car j’ay peur que vous n’ayez bien tost despendu l’amour que vous avez amassée pour moy, et lors vous ne m’aimerez plus. – Il est certain, respondit froidement Hylas, que si je l’avois toute employée, vous n’en devriez jamais esperer en moy ; mais il est du tout impossible, parce que quand je fais cet amas d’amour, je le rends esgal à la beauté que je veux aimer, et la vostre estant infinie, vous devez croire que le monceau est grand de l’amour que j’ay mis ensemble pour l’esgaler. – J’en seray bien aise, respondit Alexis, car ce me seroit bien du regret de vous perdre, vous estimant comme je fais, et cela me fait vous supplier, si de fortune il n’y en avoit pas un si grand monceau que vous le figurez, que vous rabaissiez un peu de vostre despence, afin que vostre provision durast d’avantage. J’ayme mieux que vous m’aimiez un peu moins, que si vous imitiez ceux qui despendent en un jour ce qui leur pourroit suffire pour tout un an. – Ma maistresse, dit-il incontinent, si vous n’avez que ce soucy, vivez seulement