Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/654

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

les presens auront de force. Soyez une autre fois, non pas avec moins d’amour, mais avec plus de prudence, et vous contentez que je sçay que vous m’aymez.

Or il faut que vous sçachiez, Hylas, que quelque temps auparavant, considerant en moy-mesme, qu’il est impossible de continuer longuement une amitié secrette s’il n’y a un tiers advisé, qui y tienne la main, parce que, comme je vous ay dict, delà les Alpes, les difficultez sont si grandes, que l’on ne s’en sçauroit demesler tout seul, outre que la passion qui clost les yeux empesche chacun de voir bien clair en ce qui le touche.

Je pensay qu’il falloit de nécessité me confier en quelque personne qui me peust, et soulager et conseiller, et apres que j’eus jetté les yeux sur tous ceux de nostre maison, je ne trouvay personne plus propre qu’une fille de ma nourrice, qui pour avoir esté de tout temps eslevée aupres de moy, me portoit une si grande affection qu’elle ne se pouvoit saouler de me servir. Cette fille estoit de mon aage, et toute telle qu’il me la falloit, car elle estoit hardie plus que je ne suis, et si resolue que bien souvent je la vis rire des craintes et des frayeurs que je prenois, lors qu’Arimant faisoit trop paroistre son affection. Au reste elle avoit de l’esprit et de certaines petites inventions toutes propres pour l’affaire que j’en avois. Quant à sa fidelité, et à sa discretion elles estoient si grandes, que je pouvois estre aussi asseurée d’elle que de moy-mesme ; de plus elle gouvernoit sa mere, qui estoit celle qui