Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/700

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entre les bras, il met promptement le mouchoir sous le chevet, et court à la porte appeller du secours ; tous ceux de la maison y accoururent, car il estoit extremement aymé de tous, et luy apporterent tant de remedes qu’en fin ils le firent revenir. Le premier mot qu’il dict, ce fut un hélas ! mais incontinent, se prenant garde que la chambre estoit pleine de gens, il retint et les larmes et les plaintes, ne voulant en donner cognoissance à personne. Et parce que la contrainte le travailloit presque autant que son propre mal, il les pria tous de le laisser reposer, leur disant qu’il ne vouloit personne que ce jeune homme avec luy.

Eux qui ne se doutoient point de l’occasion de son mal, et qui ne pensoient pas que ce fust autre chose qu’une defaillance qui, ayant faict son cours, ne pouvoit plus luy faire du mal, luy obeyrent incontinent. Et lors se voyant seul : Qu’est devenu, dict-il, ce mouchoir ? – Seigneur, respondit le jeune homme, je ne veux plus vous le faire veoir, puis que sa veue vous rapporte tant de desplaisir. – O mon amy, reprit Arimant, que celuy-cy est peu de chose au prix de ceux que je me prepare ! – Non, non, continua-t’il, donne-le moy seulement, car au lieu d’augmenter mon mal, il me soulage, voyant qu’elle a eu memoire de moy au dernier moment de sa vie. Et lors le luy remettant entre les mains : O mouchoir, dict-il, qui me representes le plus grand de mes desastres, quel nom te dois-je