Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/72

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

voyez par raison, qu’u est plus aisé de vous ressembler, qu’à ce berger miserable.

- Et quand il seroit ainsi, adjousta Hylas, encores vaudroit-il mieux estre comme moy, qui puis, si je veux, me delivrer de ce mal que vous dites, que comme Adraste, puis qu’il ne s’en peut défaire. - II est vray, respondit froidement Silvandre ; mais ne voyez-vous pas que si vous laissiez l’inconstance, vous ne vous ressembleriez plus, et j’ay dit que j’aymerois mieux estre comme Adraste, que comme Hylas, c’est-à-dire Adraste fol et Hylas inconstant ? - Vrayement, interrompit Phillis, c’est trop presser mon feu serviteur, il faut que je die pour luy, que l’inconstance est encores plus recevable que’ la folie, puis qu’elle n’oste pas l’usage de la raison, qui est, ce me semble, ce qui nous rend differents des bestes. - Vous vous trompez, bergere, reprit Silvandre, car le mal d’Hylas et d’Adraste sont veritablement des maladies ; mais celle d’Hylas est d’autant plus à rejetter que les maladies de l’ame sont pires que celles du corps, car, pour la raison que vous alleguez, elle n’est pas considerable, en ce que l’ame, quoy qu’elle ne produise les effects tels que ceux des autres hommes, si la cause en vient du deffaut du corps, ne laisse pour cela d’estre raisonnable, comme nous voyons en ceux qui sont surpris du vin. Or le mal d’Adraste vient sans doute de la foiblesse de son cerveau, qui n’a peu soustenir le grand coup que l’ordonnance de la nymphe Leonide luy