Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/721

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croyoit ou plustost craignoit tous les deux. Et de là il advint que se soupçonnant ainsi tous trois, ils ne mirent pas grande peine à me faire chercher, se mocquant l’un de l’autre, quand il y en avoit quelqu’un qui proposoit qu’il le falloit faire.

Ce soupçon fut celuy qui me donna la commodité de sortir le lendemain un peu avant midy, outre qu’estant un jour de marché, il nous fut aisé de nous mesler parmy la foule et mesme n’y ayant personne aux portes qui eust charge de prendre garde à nous. Dieu sçait si nous pressasmes nos chevaux ! Quand nous fusmes hors des faux-bourgs de la ville, nous allasmes repaistre dans un bois des provisions que ce jeune homme avoit apportées, et de là reprenant nostre chemin, nous marchasmes toute la nuiçt, et jusques au lendemain qu’il estoit plus de midy, que nous allasmes loger dans une maison des amis d’Arimant, auquel ce jeune homme donna une lettre de sa part, et où nous receusmes toute la bonne chere qu’il se peut dire. Mais j’estois tellement assoupie du travail du chemin, et de la longue veille, que je m’endormois en mangeant ; nous reposasmes donc le reste du jour et toute la nuict suivante. Je croy, quant à moy, que ce fut sans m’esveiller, je sçay bien pour le moins que le soleil estoit fort haut que j’estois encor au lict. Et lors que ce jeune homme me vint appeller, il me sembla que la nuict avoit esté bien plus courte que de coustume. Nous reprismes