Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/811

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terre.

Et lors se relevant, il continua ainsi : Tu as promis, ô grand roy, de donner une grace à celuy qui te diroit qui a aydé ou qui a tenu la main à faire sauver ceste estrangere ? – Il est vray, respondit le roy. – Or, seigneur, je te viens declarer celuy contre qui justement tu as occasion d’aigrir et ta colere, et ta severe justice. Et veritablement c’est celuy qui est le plus coulpable, parce que mal aisément pourroit-on avec raison accuser d’avoir failly ce pauvre chevalier, encor qu’il soit vrayement cause que Cryseide se soit sauvée, d’autant qu’il n’y a rien contribué du sien, sinon que d’estre en vie et trop aymable, estant tres-certain que s’il n’eust pas esté parmy les vivans, elle n’eust jamais pris volonté de s’eschapper. Mais en cela en peut-il mais ? Y a-t’il contribué quelque chose de son conseil, de sa peine, ou de son industrie ? Nullement, seigneur, rien du tout sinon qu’il luy a fait sçavoir qu’il vivoit encores. Au contraire, celuy que je viens descouvrir, c’est le seul coulpable de tout le forfait. Il a donné le conseil, et en a trouvé l’invention, c’est luy qui a destaché le basteau qui soustenoit la chaine qui traverse l’Arar, afin de donner commodité à celuy de Cryseide de pouvoir passer dessus, c’est luy qui a trouvé les chevaux pour fuyr, c’est luy qui l’est allé prendre par la main à sa fenestre, pour entrer dans le bateau qui estoit au-dessous. Bref, c’est luy qui a tout fait, et qui par consequent