Aller au contenu

Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/877

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de chapeaux de fleurs, comme si desja il avoit emporté la victoire qu’injustement il pretend.

Mais, berger, dy-moy, je te supplie, d’où vient cette temeraire presomption et par quelle pretendue raison l’as-tu peu concevoir ? Tes merites au moins n’ont pas donné naissance à cette esperance si peu raisonnable, lors que tu as consideré les perfections de Diane, puis qu’elles sont telles que n’y ayant point de proportion entre ce qu’elle merite et ce que tu vaux, l’amour ne peut estre produite par des choses tant inesgales. Je m’asseure que l’outrecuidance qui est en toy ne sera pas si grande qu’elle te face nier ce que je dis, et qu’en ton ame tu ne m’advoues qu’il n’y a rien qui puisse esgaler les perfections de nostre maistresse. Et comment, arrogant et temeraire Ixion, ose-tu l’aymer ? Et de plus, comment as-tu la hardiesse de penser qu’elle te puisse quelquefois aymer, ceste belle et si belle Diane, que les yeux ne la doivent regarder que pour l’idolatrer ?

Mais si ceste outrecuidance est grande en ce berger, l’autre que je vay dire est bien, ce me semble, encores plus extreme. Parce que la beauté ayant des attraits si violens, il est certain que bien souvent elle clost les yeux à celuy qui en est touché, et l’empesche de prendre garde à son devoir, et fait passer ses desirs beaucoup plus outre qu’il n’est raisonnable. Mais, Silvandre, quelle excuse peux-tu apporter qui soit bonne en la pretention que tu as de devoir estre plus aymé