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Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/928

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mon ennemie, ces fleurs et ce baiser que l'on donne, dites-vous, à des personnes si méprisables, et considerez si, vous ostant ces fleurs, et les vous faisant rendre au sage Adamas, qui est le souverain juge de ces contrées, et qui par ce moyen peut estre appellé la justice mesme, elle n'a pas voulu monstrer que vous ne deviez rien esperer, et que si vous aviez conceu sans raison quelque esperance, il estoit bien raisonnable que vous en fussiez dépouillée devant la mesme justice, comme luy faisant une amende honorable en la presence de toute cette venerable compagnie.

II ne reste donc rien maintenant à dire, sinon que je vous declare pourquoy ma belle maistresse a dict que Phillis estoit plus aymable que Silvandre, et quelle raison l'a émeue à vous mettre dans son propre siege. Et pour l'entendre plus aisément, il faut que vous sçachiez, bergere, que tout ce qui est bon est aymable, mais il n'est pas aymé pour cela, parce que le bon, s'il n'est recogneu, est comme le thresor caché, qui ne se peut faire estimer que quand quelqu'un en a la cognoissance. Et Dieu mesme, qui est le Bon de tous les bons, ne seroit pas aymé s'il ne se faisoit cognoistre. Lors que Diane declare que vous estes aymable, elle le dit avec raison, parce que tout ce qui est bon est aymable, et sans doute les vertus et les perfections qui sont en vous sont bonnes ; car ressemblant à ma belle maistresse, en ce que