Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/936

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de bon coeur, et à Lycidas aussi ; mais pour Hylas et Hermante, les autres bergers de Forest en estoient bien faschez.

Et Hylas, s'approchant de Stelle, parce que le prix qu'il avoit gaigné estoit une couronne faite de plume fort artificiellement, il la supplia de la luy vouloir mettre sur la teste. Silvandre en se mocquant luy dit : C'est un digne loyer de tes fidelles peines. - Qu'est-ce que tu veux dire ? respondit Hylas, apres que Stelle luy eut fait la faveur de la luy mettre sur la teste. - Je veux dire, reprit Silvandre, que ceux qui ont osé sauter contre toy, s'ils te cognoissoient, sont bien outrecuidez, parce qu'ayant la teste si legere que tu as, ils ne devoient pas juger que le reste du corps fust plus pesant, ny esperer moins que d'estre vaincus. Mais ceux qui t'ont donné cette couronne ont bien mieux fait paroistre leur jugement, car à un esprit si leger que le tien, que sçauroit-on donner qui luy fust mieux deu qu'un chapeau de plume ? - Je ne rougiray jamais, dit froidement Hylas, que l'on me donne les marques que je porte, car à toy qui es lourd et grossier, l'on fait bien de donner les choses qui sont produites de la terre, comme ces fleurs qui sont en cette guirlande que tu as en la main, mais à moy, comme celuy qui a quelque chose de plus noble, qu'est-ce que l'on ose presenter que des plumes, pour monstrer que je me releve dans l'element de l'air, comme meprisant celuy de la terre aussi grossiere que tu es ? Toy, dis-je, qui ne laisses