Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/947

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il en rendoit deux de tant de merites miserables le reste de leurs jours ; outre que Diane n'aymant mon frere que par raison d'estat, c'est sans doute que le regret d'avoir perdu une personne qu'elle a si chere que Silvandre, la rendroit si triste, et si changée, que je ne sçay si mon frere en pourroit recevoir beaucoup de plaisir. Et encores que cela déplaise au commencement à Paris, il s'y resoudra plus aisément que Silvandre, n'ayant pas tant d'affection pour Diane que ce berger, et de plus nous le divertirons aisément de ceste humeur, en luy proposant quelque mariage qui sera plus convenable à sa condition.

Ils arriverent avec semblables discours au hameau de Phocion, où il les receut avec un si bon visage, et les traitta au souper si bien qu'Alcidon et Daphnide avouèrent ce service faire honte à celuy des grandes villes. Il est vray qu'Astrée n'en eut pas tout le contentement qu'elle eust bien desiré, parce que Phocion avoit retenu le jeune Calidon, et l'avoit mis à la table vis-à-vis d'elle, et ce jeune berger n'osta jamais les yeux de dessus son visage tant il estoit passionné. Ce qui troubla fort Astrée, qui ne pouvoit faire la moindre action, ny tourner la veue qu'elle ne rençontrast tousjours, ou allant ou revenant, les yeux de Calidon qui l'attendoient au passage. Alexis qui, de son costé, n'avoit rien de plus doux que la veue de ce beau visage, de laquelle elle avoit esté si