Aller au contenu

Page:Uzanne - Contes pour les bibliophiles, 1895.djvu/13

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ronne de Bourdic ou de M. de Gubières, écuyer de Mme la comtesse d’Artois, auteur de la pièce qui clôt l’Almanach de 1789, un petit poème intitulé les États généraux de Çythère, et commençant ainsi

Les bergers n’allaient plus sur les vertes fougères
Célébrer les appas de leurs jeunes bergères ;
Les plaisirs et les jeux n’habitaient plus les champs…

Hélas ! ils allaient avoir bien autre chose à faire, les bons bergers ; ils allaient avoir à prendre le fusil pour les levées en masses prochaines, et les jeunes bergères, pouvaient se préparer à pleurer.

La méthode est une belle chose ; avec un peu de patience, en remontant de réponse en réponse, grâce aux indications « voir page tant », les premières phrases du dialogue furent retrouvées, et elles fournissaient une indication bien précise sur la qualité des dialogueurs et leur état d’esprit.

La conversation s’ouvrait ainsi :

Après un long éloignement,
Votre présence fortunée
Me rend ici l’enchantement…

En marge de ces vers, annotation d’une main féminine : « Réponse page 80 ». La page trouvée, réponse de là bergère au berger :

Pleins d’inconstance et de légèreté,
lis se lassent bientôt de la même bergère ;
Leur amour n’est que vanité :
À peine sont-ils sûrs, de plaire,
Qu’ils vont porter ailleurs leur infidélité.

Oh ! oh ! pas le moindre doute, c’est une dispute, une vive et jolie querelle d’amour, dont l’écho endormi se réveille après cent ans écoulés, alors que les disputeurs sont depuis longtemps redevenus poussière. Pauvres amoureux d’autrefois, prêtons une indiscrète mais sympathique oreille aux reproches, aux protestations, aux transports rimés qu’ils empruntent aux poètes de l’Almanach des Muses.


II


Dans un espace blanc, sous la liste des fêtes mobiles pour l’an 1789, deux lignes écrites d’une encre jaunie à peine visible maintenant, tombant sous les yeux du fureteur, éclairèrent tout à coup la scène et permirent de placer les personnages devinés dans un cadre connu :

« S. de L… château des Islettes, à Beauval. »