Page:Uzanne - Contes pour les bibliophiles, 1895.djvu/132

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batteries sur les pentes fouillent le bois et criblent un creux par lequel des colonnes ennemies descendent dans le bois. Onze heures ! Et je n’ai toujours rien pris depuis hier soir, que le croûton et l’oignon de tout à l’heure. Oh ! l’intendance ! Nous sommes obligés de marcher, nous, et de cogner sans rien dans le ventre, pendant que les Riz-pain-sel flânent la plume à l’oreille. Et l’on s’étonne que le soldat soit quelquefois de mauvaise humeur !

Comme je retournais en maugréant, j’avise, en arrière des batteries. un moulin à vent. J’aime les moulins à vent, ils font bien dans le paysage. Celui-ci, les ailes immobiles et comme collées à son flanc, semblait un pauvre oiseau effarouché par l’effroyable tapage qui se faisait autour de lui. Des officiers d’ordonnance galopaient dans la plaine, des masses de troupes défilaient au-dessous de la petite éminence, pendant que des files de blessés sortaient du bois et passaient en arrière de nos lignes.

J’entends un âne braire, une femme crier, des soldats jurer. C’était l’âne du meunier qu’un vivandier voulait attacher à sa charrette… Tiens, tiens, la meunière est encore là… Voyons donc s’il n’y a pas quelque morceau de jambon à se mettre sous la dent. Je saute à terre avec quel-