Page:Uzanne - Contes pour les bibliophiles, 1895.djvu/138

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une heureuse nouvelle. Un reporter, envoyé par un grand journal du matin, a trouvé le moyen de se faire engager comme cuisinier, aux appointements de 15 000 dollars par an, chez le sénateur Philémon Codgett, de Massachusetts, le richissime collectionneur qui possède les volumes I et III des notes de Napoléon, perdus pendant la Commune.

Depuis six mois, ce reporter profitait des absences législatives de Thonorable Codgett pour s’introduire dans son cabinet de travail. À l’aide de fausses clefs, il ouvrait la caisse de fer à triple serrure enfermant les deux volumes et copiait jusqu’au retour du sénateur.

Malgré ses précautions, il a été surpris par celui-ci, qui lui a tiré douze coups de revolver. Le reporter, quoique blessé grièvement, a pu s’échapper. Il est en route pour l’Europe. Son travail de copie était heureusement terminé ; il le collationnait sur l’original quand l’honorable Godgett est survenu.

Le journal donnera chaque dimanche, dès l’arrivée de son héroïque rédacteur, la publication des précieuses notes. Le premier volume commence à la sortie de Brienne et finit à Austerlitz ; le second débute par les impressions de Napoléon lors de son mariage avec Marie-Louise et se termine à la date du 15 juin 1815, trois jours avant Waterloo. Le volume du comte d’H…, dont nous venons de parler, s’intercale entre ces deux ouvrages si extraordinairement curieux. Nous connaîtrons donc bientôt, au complet, le carnet de notes de Napoléon ! Aujourd’hui, ou un retour d’opinion porte tous les lecteurs de France vers les ouvrages ayant trait au grand homme, n’est-il pas regrettable d’être obligé d’attendre la publication faite outre-océan des plus intimes documents qui aient été laissés par le général conquérant des temps modernes. — Oh ! ces Américains !!!