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Page:Uzanne - Contes pour les bibliophiles, 1895.djvu/148

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d’époques à jamais disparues, copies banales de la nature vue avec un œil de photographe, copies méticuleuses et mosaïquées fournissant ces affreux petits sujets de genre qui ont illustré Meissonier, rien de neuf, rien qui nous sorte de notre humanité ! Le devoir de l’art, cependant, que ce soit par la musique, la poésie ou la peinture, est de nous en sortir à tout prix et de nous faire planer un instant dans des sphères irréelles où nous puissions faire comme une cure d’aérothérapie idéaliste.

« Je crois donc, continua Blackcross, que l’heure est proche où l’Univers entier sera saturé de tableaux, paysages mornes, figures mythologiques, épisodes historiques, natures mortes et autres œuvres quelconques dont les nègres mêmes ne voudront plus ; ce sera le moment béni où la peinture mourra de faim ; les gouvernements comprendront peut-être enfin la lourde folie qu’ils ont commise en ne décourageant pas systématiquement les arts, ce qui est la seule façon pratique de les protéger en les exaltant. Dans quelques pays résolus à une réforme générale, les idées des iconoclastes prévaudront ; on brûlera les musées pour ne pas influencer les génies naissants, on proscrira la banalité sous toutes ses formes, c’est-à-dire la reproduction de tout ce qui nous touche, de tout ce que nous voyons, de tout ce que l’illustration, la photographie ou le