Aller au contenu

Page:Uzanne - Contes pour les bibliophiles, 1895.djvu/204

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

étaient ajoutées aux passages les plus colorés des ouvrages auxquels elles convenaient ; les gardes mêmes subissaient quelquefois l’effronterie d’un dessin graveleux, et je ne pouvais m’empêcher de songer que le livre de la plus chaste gauloiserie se fût trouvé impitoyablement transformé par l’êrotomanie invétérée du Chevalier de Kerhany.

Au fur et à mesure que j’inclinais vers la gauche, la gradation libertine s’accentuait ; déjà j’avais franchi les poésies gaillardes : la Muse folâtre, l’Élite des poésies héroïques et gaillardes de ce temps (1670) ; le Parnasse satyrique du sieur Théophile ; le Cabinet satyrique ; les Œuvres de Corneille Blessebois ; Dulaurens ; les Muses en belle humeur ou Élite des poésies libres ; le Pucelage nageur, l’Anti-Moine ; le Parnasse du XIXe siècle et tous les ouvrages imprimés en Belgique, à Neufchâtel, à Freetown, avec eaux-fortes de Rops, auxquelles s’ajoutaient de nouvelles gravures. Déjà j’avais parcouru la majeure partie de la Bibliothèque et mes mains commençaient à trembler en ouvrant chaque livre qui s’offrait à moi ; les petits fers prenaient des allures cyniques et effrayantes ; j’eus peur de ne pas arriver au but, et j’abandonnai quelques centaines de volumes pour atteindre l’extrême gauche.