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Page:Uzanne - Contes pour les bibliophiles, 1895.djvu/22

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— Bah ! quelque tapage, une petite sédition tout au plus, dit l’officier de Bourgogne-Cavalerie, un orage de juillet qui passe vite ; vienne une fête, une dispute littéraire, un joli crime ou un opéra nouveau, la girouette tournera, et les Parisiens ne songeront plus guère aux émeutes.

Et le fil de la conversation se renoue dans le salon rasséréné.

Sylvie a fait sans doute un peu de toilette pour le souper, car M. de Coudray, revenu près d’elle, se penche au-dessus de son fauteuil et lui souligne ces vers de l’Almanach :

Pour qui tous ces parfums, cette tresse élégante,
L’or qui luit sous l’azur de ta robe ondoyante ?

Ici une lacune. Pas de réponse dans l’Almanach. Qu’a pu dire en prose l’officier de Bourgogne-Cavalerie ?

Sylvie ne paraît plus aussi farouche que sous la charmille. Les mauvaises nouvelles venues de Paris lui ont peut-être fort confusément penser qu’il fallait se hâter de saisir le bonheur qui passe… L’âme de la belle s’est attendrie ; elle montre à Lindor ce vers qui est presque un aveu, elle le murmure tout bas peut-être, en laissant derrière son fauteuil sa main dans celle de l’officier :

De quels doux souvenirs mon âme est attendrie !

Sur ce, coup de clairon de Bourgogne-Cavalerie :

Je ne sais pas encor si la jeune Hébé m’aime,
Mais ses yeux sont si doux quand nous nous regardons !…

Sylvie murmure :

Parmi nous une be… Au joug de l’hyménée
Parmi nous une belle est à peine enchaînée
Qu’elle prend un despote ; et non pas un époux.

— Non, proteste M. de Coudray :

Croyez-moi, changez-de pensée
Prenez de plus doux sentiments !

Hallali. Le cœur de Sylvie qui, depuis le matin, parbleu, ne demandait que la défaite, avoue ceci :

Il est d’heureux moments, des moments où le cœur
Est ouvert sans défense et n’attend qu’un vainqueur…