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Page:Uzanne - Contes pour les bibliophiles, 1895.djvu/252

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stridents de vainqueur, releva en l’air, le frappa à terre à dix ou douze reprises, puis le piétina sans merci, se roulant sur le cadavre de son assaillant comme un chat gigantesque qui joue sur un tapis, l’aplatissant, le laminant, le pulvérisant de tout son poids de lourde machine, avant de reprendre, d’un trut léger et comme caoutchouté, le chemin des grandes lianes.

Lorsque les Arabes de l’escorte arrivèrent sur le lieu du combat, ils ne trouvèrent trace de cadavre et ne virent plus qu’une flaque de sang, ou plutôt une boue sanglante, parmi les herbes écrasées. — Du corps de l’infortuné Robert Magrin, il ne restait rien, rien, moins que rien. C’est à peine si creusant le sol du bout de sa lance, un Arabe Bagaras parvint à retrouver une toute petite clavicule du cou, fragment bien léger d’un mari si brave, le seul témoignage que sa veuve inconsolable put rapporter en Angleterre au retour de ce néfaste voyage de noces.

Ainsi se trouva réalisée la prédiction fatale inscrite sur le bandeau d’or du roi d’Égypte Na-Lou-Pa de la XIIe dynastie.

Pulvis et umbra manent ! dit en manière d’exode lord L*** que ce récit semblait avoir assombri. — Ne violons pas les sépultures, mon ami, et conservez les croyances que vous a inspirées l’article de l’écrivain allemand que vous me signaliez tout à l’heure. Recueillir des cendres humaines est chose néfaste ; les morts attirent la mort, cela est indiscutable et, sans aller plus loin, remarquez, je vous prie, qu’il est peu d’enterrements qui ne soient homicides pour quelqu’un de ceux qui les suivent.