Page:Uzanne - Son altesse la femme.djvu/145

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Cette longue analyse de la Caillette, bien que trop contournée et alambiquée peut-être, se peut considérer comme la plus exacte définition qu’on en ait faite. Disons-le : la Caillette fut avant tout la femme à la mode, c’est-à-dire la victime du bon ton et des grâces du jour. Pour se conserver au niveau de la société où elle vouloit vivre, il lui fallut agir en automate et ne se mouvoir que par ressorts, ne connoître d’âme, selon le livre a la mode, que ses yeux, sa langue et ses doigts, étaler ses diamants, porter en premier la dernière étoffe fabriquée chaque année à Lyon, avoir l’équipage le plus brillant et le mieux vernissé, se donner des laquais de grande taille et de belle figure ; les nommer de noms coquets ; crier à l’un : La Verdure, holà, mes chevaux ! — Dire langoureusement à l’autre : La Rose, je ne suis céans que pour le comte ! se tenir au courant des nouveautés dont on parle, feindre des vapeurs k tout instant, avoir grande toilette le matin, se montrer dans le même jour à plusieurs spectacles, paraître à toutes les promenades et sans cesse se présenter partout souriante, lumineuse, sé- millante, vive, libertine, emportée ou langoureuse. C’est bien de la Caillette enfin que l’on put dire :

Un joli corps, peut-être une âme, Un rien agréable et charmant. Le mot d’honneur est sa chimère Et la brise son élément.