Dans cette vie excédante, la pauvresse déployoit plus de courage qu’une comédienne ; il lui falloit se faire un langage tout de superlatifs pour ne pas déchoir de son rang de dame de qualité ; aussi par- loit-elle du souper divin de la veille, de la beauté miraculeuse d’une fille d’Opéra, de la dernière aven- ture de Mm0 ***, son ennemie jurée, de la sympathie d’organe de tels acteurs en vogue qui l’avoient sub- juguée, et, faisant l’agréable sur tous sujets, savoir dans les vis-à-vis avec un tendre cavalier mêler le sérieux avec le badin et rire ou se fâcher avec art et à propos, joindre un certain ton de hauteur à une mièvre politesse, et s’écrier dans les cahots du chemin, en repoussant une attaque : Mon cher, vous êtes d’une noirceur abominable ! ou encore : Mar- quis, finissez ; qu’est-ce cela, je vous prie ! »
La Caillette, cette élégante Joncée, délicate et toujours plus vivante à mesure qu’elle se montre plus mourante ou malade à périr, est bien dans ce xvni6 siècle superficiel, où toute une génération d’écervelés se ruoit au plaisir, la femelle de ce débile petit-maître pour qui le temps étoit si pré- cieux, comme on le voit d’après le joli tableau si originalement détaillé qui suit :
« On se lève à midi, on se lave, on se pâte, on se parfume, on se mire, on gronde, on s’habille, on raconte à son valet de chambre ses bonnes ren- contres, ses pertes au jeu, et on lui fait un discours