Page:Uzanne - Son altesse la femme.djvu/268

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C’est à peine si la mère la prend, remporte, la berce et l’embrasse. Le plus souvent elle dort dans le haut lit de duvet, sous l’édredon paternel, écrasée entre les deux corps qui l’ont conçue, mettant son sommeil calme de petit chat au milieu des ronflements sonores des époux que le labeur du jour a paralysés de fatigue. — À l’aurore, elle repose seule, perdue dans la plume, tandis que la basse- cour s’éveille, que le père en sabots casse une croûte et que la mère déjà vêtue, coiffée de sa marmotte, va et vient, agitant dans un lavage hâtif tous les vases de fer-blanc de l’étable où le lait de la vache va tomber tout à l’heure avec un tambourinement sac- cadé. Le soleil n’est pas haut à l’horizon que déjà on la fagote plutôt qu’on ne l’habille, précipitamment, à coups de tapes et sans ménagement ; puis, à peine nourrie de sa pâtée, elle est campée sur un siège : « Tiens-toi là… t’entends, et n’ bouge pas ! »

Parfois, au mitan de la journée, en dépit de la chaleur, du froid et de la pluie, soit que la bourgeoise aille à l’herbe, au fanage, à la semaille ou au repiquage, soit qu’elle se rende au ruisseau ou à la mare voisine pour taper à la volée le linge de son Rouilleau, la gosse est sans façon hissée dans la hotte, comme les enfants de Croqueraitaine. Elle est ballottée le long des chemins, à moitié endormie, n’osant crier de peur des taloches ; puis enfin déposée à l’endroit du travail, sous un saule crevassé,