Page:Uzanne - Son altesse la femme.djvu/278

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pimpante sous sa cornette blanche à la messe du village, c’est l’esclave, durcie au soleil, maigrie, voûtée, ravagée, bientôt sans formes féminines, plus maigre qu’un poulet de table d’hôte. Elle s’écrase du soir au matin sous les gros labeurs, grattant la terre, la tête en bas, portant la lourde hotte chargée d’herbages, traînant sa perpétuelle grossesse dans tous les travaux rustiques par la pluie, le froid, le vent ou la chaleur, sans se plaindre, sans geindre, tout attentive aux ordres, aux duretés et aux exigences de son homme, du maître devant qui seul elle tremble.

Plus de plaisirs, plus de bal, plus de Dimanches pour elle ! — Lui, le rustaud, fidèle au jour du Seigneur, se fait la barbe sur le midi, met la chemise blanche apprêtée par les soins de la mère, sort de l’armoire ses hardes neuves, puise de l’argent dans le coin des réserves et les mains dans ses poches, comme un bourgeois, frais, dispos, heureux de vivre, se rend au cabaret du village où il fume, boit sans mesure, joue avec opiniâtreté, bavarde sans fin et rigole ou se chamaille avec les amis. Il rentre tard dans la nuit, un peu trébuchant, le verbe haut, rond comme une pomme, le gilet plein, la « marianne dans l’œil », avec toute l’importance d’un homme bu !… : « Les femmes, c’est fait pour attendre », déclaret-il…, et bien que la bourgeoise ne souffle mot, il ajoute pour prévenir les reproches… : « Et pas de larmes, pas de cris, ou j’cogne. »