Page:Uzanne - Son altesse la femme.djvu/69

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pales lignes s’escarte dèz ce moment, par la richesse de la carnation et la rotondité des courbes, des mai- gres contours et des formes esmaciées du Moyen Age. Le byzantin fait place icy au florentin de la nouvelle escole florissante. Ce n’est pas encore la beauté débordante et massive, mais c’est à coup seur la grâce éburnine bien à poinct, la belle chemisée de chair dont parle Rabelais, la gracilité desjà rondelette et fosselue qui nous conduyra aux amplitudes sen- suelles et aux larges troussures du colossal Rubens.

Augustin Niphus, dans son livre De Pulchro et Amore, prend pour parangon de haulte beauté la célesbre Jeanne d’Aragon, immortalisée par le pin- ceau de Raphaël, et dont Jérôme Rusculli a recueilli les louanges inspirées par ses charmes, dans toutes les langues, aux principaux poètes de l’Europe. Nyphus ne cèle pas qu’il soit enthousiaste de son modesle ; oyons-le parler à son subjet :

« La stature de Jeanne est de haulteur moyenne, droicte et élégante et possède cette grâce que donne seul l’assemblage de membres individuellement irré- prochables. De complexion ni grasse ni maigre, mais nourrie de sève (succulenta), son teint n’est point pasle, mais blanc nuancé de rose ; ses longs cheveux ont des reflects d’or, ses oreilles sont petites et en proportion avec sa mignonne bouche. Ses sourcils, formez de soies courtes, pas trop touffues, dessinent un arc de cercle parfaict ; ses yeux bleus,