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VÉNUS EN RUT


m’ont juré une passion solide, qui s’attacha à moi, pour moi-même : malheureux, il méritait un meilleur sort ! Mais aussi pourquoi ne pas s’informer, avant de faire un bail ? Ma réputation commençait à s’étendre ; il aurait su que ma constance ne passait pas la semaine. Quoi qu’il en soit, je partis de mon village, avec une dignité qui en imposait à ses stupides habitants : je portai l’orgueil jusqu’à ne pas faire mes adieux à cette cave chérie qui avait reçu ma première offrande à l’amour ; je ne vis pas même celui qui m’avait ouvert la carrière des plaisirs : je fus quelques jours enivrée de ma gloire ; je ne m’occupai que de ma toilette, de mes projets de curiosité libertine, et des moyens de tromper celui qui faisait tout pour moi : j’eus peu de peine à le subjuguer ; rien de si aisé que de régner sur un cœur qui se livre de bonne foi : c’est pourquoi si j’ai trouvé de la gloire à me moquer de tous mes amants, lorsqu’ils se croyaient plus fins que moi, je sentais un léger scrupule d’attrister Francour : mais mon penchant invincible m’entraînait ; de plus, n’est-il pas écrit que celui qui comble de biens une femme galante doit être sa dupe ?

Me voilà donc entrée dans la lice, si longtemps désirée : j’ai une garde-robe, des bijoux ; je cours la poste, j’arrive chez Francour, où je jouis d’une aisance et d’une sorte de considéra-