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sons, des pains, des dindons rôtis ; que de faire couler le vin à flots, de tonneaux placés sur des estrades, dans des brocs et dans des seaux, défendus par des fiers-à-bras coalisés.

La restauration mit fin à ces scènes ignobles et barbares.

Ce fut surtout sous l’empire que les cafés et les établissements de restaurateurs se multiplièrent.

Les cafés étaient devenus une nécessité pendant les orages de la révolution de 89 ; on s’y rendait soir et matin pour savoir les nouvelles et pour lire les feuilles publiques ; on y pérorait ; on y faisait de la politique ou de la littérature. Il y avait alors, comme plus tard sous la restauration, des cafés politiques et des cafés littéraires. Encore enfant, j’ai souvent vu avec envie, dans les cafés du Palais-Royal surtout, militaires ou bourgeois attablés autour d’un bol de punch, dont on entretenait la flamme bleuâtre, comme les Vestales entretenaient le feu sacré ! On ne s’incendie plus l’estomac ni l’appétit. Avec la restauration Broussais vint !

De nombreux restaurants furent surtout fondés, pendant le directoire, par des chefs de cuisine de grandes maisons ruinées et qui n’existaient plus. Beauvilliers avait été chef de cuisine du prince de Condé ; Beauvilliers était le restaurateur le plus fréquenté par les grands personnages.

Robert avait été chef de cuisine de M. de Chalandray, ancien fermier général.

Au retour de l’exil, M. de Chalandray entre chez Robert et reconnaît son cuisinier : Robert sert à son ancien maître le diner le plus exquis, lui verse les plus grands