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annales de ce théâtre. Elle fut jouée le 5 janvier 1793 ; les auteurs étaient Barré, Radet et Desfontaines, surnommés le Triumvirat du Vaudeville. On connaît l’histoire de Suzanne, accusée d’adultère par deux juges qu’elle ne veut pas écouter, et sauvée par Daniel.

La pièce fourmillait d’allusions. On applaudit à outrance un couplet dans lequel les accusateurs disaient :


Celui qui fait parler la loi,
Sait bien aussi la faire taire.


L’enthousiasme de la salle fut au comble lorsque Daniel s’écria :

« Vous êtes ses accusateurs, vous ne pouvez être ses juges. »

Ces paroles rappelaient l’exorde du plaidoyer de Desèze, dans le procès de Louis XVI, instruit en ce moment par la Convention.

À la sixième représentation, donnée le 27 janvier 1793, une scène violente se produisit. Elle fut courageusement dénoncée à la Commune de Paris par un acteur du Vaudeville nommé Delpêche et surnommé Bourgeois. Cette lettre fut lue dans la séance de la Commune du surlendemain, 29 janvier.

« Depuis plusieurs jours, on nous menaçait de faire interrompre les représentations de la Chaste Suzanne, et nous attendions avec résignation l’effet de cette menace. Mais hier dimanche, plus d’une douzaine de particuliers qui s’étaient trouvés à la fête civique du matin, ayant probablement dîné ensemble, sont venus, dans leur sagesse, juger cette pièce, qu’ils avaient proscrite