Page:Véron - Mémoires d’un bourgeois de Paris, tome 1.djvu/283

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bruit se fait entendre : Gericault revenait au galop ; il lui manquait une des basques de son habit. Un jour, dans une promenade à Montmartre, son cheval s’emporta et le désarçonna ; il fut jeté à terre : dans sa chute, la boucle de son pantalon, heurtant violemment contre une pierre, produisit une déviation d’une des vertèbres dorsales. Dupuytren reconnut le mal lorsqu’il était déjà sans remède : Géricault fut condamné à rester couché, et moins d’un an après cet accident, le 28 janvier 1821, Géricault mourait encore jeune. La vente de ses tableaux, qui eut lieu après sa mort, ne s’éleva pas à quarante mille francs. Le Naufrage de la Méduse fut adjugé au prix de six mille francs au peintre Dorcy, qui s’en rendit acquéreur par respect et par dévouement pour le talent et la mémoire de Géricault. Il fallut plusieurs années de négociations pour décider le gouvernement à acheter cette grande œuvre au prix de l’adjudication, c’est-à-dire six mille francs. C’est grâce à la persistance de Forbin qu’on admire au Louvre l’œuvre principale de Géricault, dont le nom est impérissable dans l’histoire de la peinture de notre pays et de notre temps.

» Géricault était né avec de la fortune, et de là les distractions et les plaisirs nuisibles à ses travaux, et surtout à sa santé. Il perdit la plus grande partie de ce qu’il possédait alors qu’il était déjà cloué sur son lit de douleur. Son ami M***, l’agent de change, dont la déconfiture a été si célèbre, fut cause de ce désastre ; il s’était emparé de la confiance et de l’argent de Géricault, pour lui donner, disait-il, de gros intérêts. J’ai vu Géricault, dans les derniers temps de sa vie, poussé