Page:Véron - Mémoires d’un bourgeois de Paris, tome 1.djvu/88

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decin doit patiemment écouter toutes ses digressions plus ou moins raisonnables et toutes ses théories plus ou moins fantastiques. Au milieu de tout ce verbiage, la sagacité médicale peut surprendre un mot, un fait qui jette quelques lumières et renseigne utilement.

Certes, on ne peut nier l’influence permanente ou fugitive des causes extérieures sur la santé de l’homme, et il faut même en tenir grand compte ; mais peut-être, dans beaucoup de cas, ne faisons-nous pas une assez large place à l’influence des causes morales. L’hydrocéphale aigu, qui, chez les jeunes filles de quinze à dix-huit ans, produit une telle douleur de tête, et leur arrache un cri si déchirant, qu’on a nommé ce cri de douleur cri hydrencéphalique, a le plus souvent pour cause des chagrins concentrés, une passion secrète. J’ai vu, même dans les hôpitaux, une jeune vierge, au corps beau comme le jour, foudroyée par cette maladie trop souvent méconnue à son invasion.

J’ai observé plus d’un joueur qui jouissait d’une parfaite santé tous les jours de gain, et qui tous les jours de perte souffrait du fer chaud, était pris de nausées, de vomissements, de douleurs de tête, de soif et de malaise général.

Je ne parle pas ici de ces profondes émotions qui surexcitent l’orgueil de l’homme ou le mènent par la tristesse au désespoir. Trop de bonheur ou trop de misères conduisent l’esprit humain à la folie.

Des sentiments, des affections même de famille trop concentrés, causent souvent des surexcitations de sensibilité et d’esprit à produire les plus tristes désordres. J’ai été récemment consulté comme ami par une mère dont