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pour leur personne, de ménagements pour leur santé, les maladies débutent souvent avec hypocrisie, sourdement, suivent une marche lente et perfide. Il faut donc explorer, écouter, questionner, et s’efforcer de tout savoir pour tout apprécier.

J’insiste encore ici sur cet autre point. Dans la clientèle des hôpitaux, composée d’ouvriers, d’hommes voués aux travaux du corps et à la fatigue, les influences morales ont bien moins d’action comme causes de maladies ; chez les gens du monde, au contraire, dont l’esprit est cultivé, préoccupé d’affaires et si accessible à toutes les émotions, chez les gens riches surtout, chez qui les ennuis de l’oisiveté, les soucis de la richesse et les tristesses de la satiété entrent par les portes et par les fenêtres, l’étude des influences morales doit tenir une large place dans le diagnostic, dans l’étiologie[1] et dans le traitement des maladies.

Si l’état de notre esprit et de notre cœur peut influer sur toutes nos fonctions et jeter le trouble dans notre santé, les maladies à leur tour, les souffrances, l’affaiblissement qu’elles causent, les soins, les privations, la nouvelle façon de vivre qu’elles réclament, ont aussi une certaine action non moins vive, sur notre âme et sur notre intelligence. Je sais un homme de beaucoup d’esprit, adonné au paradoxe, à la raillerie, aux vives sorties contre chacun, qui, à la moindre indisposition, offre un symptôme moral constant, l’affectuosité. Je ne manque jamais de lui dire avec assurance : « Vous êtes souffrant ; je vous trouve affectueux. »

  1. Connaissance des causes.