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Hilaire le Droit de Beaufort en vallée, puis leurs femmes et le triste Azor qui s’était faufilé derrière son mailre. Parmi les relations nombreuses, on pouvait remarquer les demoiselles d’Allencourt.

L’abbé Liégeard, curé de la Trinité, rappela en quelques mots émus, l’existence d’honneur et de vertu de celle qu’il amenait au champ de repos. Il renouvela le souvenir de son père, guillotiné sur la place du Ralliement en 1793. Quand le cortège eut défilé devant la tombe, il vint encore un homme, un ouvrier. Il tenait cachée sous sa blouse une petite couronne en perles blanches, il la sortit timidement pour la poser comme un dernier hommage, sur la dépouille mortelle qu’on abandonnait. Il mit un genoux en terre, eut une inovocation et partit seul comme il était venu sans aller, ainsi que les autres assistants, serrer la main des amis de la disparue. Mais le regard désolé de René Semtel qui s’attachait encore à la dernière demeure de sa bien-aimée tante Nic, vit ce geste, reconnut l’homme : C’était Charles Chat qui avait employé à ce don le premier argent gagné par lui dans son nouveau métier.

René était tout désorienté dans sa grande maison. Nanette frappée au cœur, n’avait presque plus de forces, Denise, plus jeune, la soignait de son mieux ainsi que leur maître, mais les deux pauvres vieilles étaient-elles aussi bien atteintes. Elles prirent leur nièce Jeanneton, la fille de Pascal Joubert, qui avait vingt ans pour les aider à l’entretien du logis.

Justement, un officier de l’armée d’Afrique, Yves Kerguistel, venait d’arriver au moment où René se mettait à table. Azor était assis sur sa queue, la tête à la hauteur du couvert et du côté opposé Minoula, la chatte de tante Nic qui gardait son droit à tous les égards. Jeanneton servait le maître qui mangeait distraitement, les yeux sur son journal. Un coup de sonnette hardi l’avait surpris, Denise avait trottiné à travers la cour et une voix mâle et joyeuse, une fois la porte ouverte, avait demandé, assez haut pour arriver jusqu’à la salle :

— Monsieur René Semtel est là ?

— Oui, Monsieur, il est en train de dîner.

— Comme ça se trouve, j’entre, mettez mon couvert, ma fille, je vais lui tenir compagnie.

— Ma fille, grommela Denise, je serais aisément sa mère. Il est sans gêne, le parent.

Elle pouvait continuer ses réflexions, l’arrivant avait, en quelques enjambées, gagné l’entrée de la pièce où se restaurait son ami, laquelle donnait par une porte-fenêtre sur la cour. Il s’écriait :

— Bonjour vieux, il y a bien sous la lente une ration de