Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 1, 1931.djvu/89

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sais mieux encore, par mon expérience très certaine, que nos âmes peuvent se former, dans le sein même du temps, des sanctuaires impénétrables à la durée, éternels intérieurement, passagers quant à la nature ; où elles sont enfin ce qu’elles connaissent ; où elles désirent ce qu’elles sont ; où elles se sentent créées par ce qu’elles aiment, et lui rendent lumière pour lumière, et silence pour silence, se donnant et se recevant sans rien emprunter à la matière du monde ni aux Heures. Elles sont alors comme ces calmes étincelants, circonscrits de tempêtes, qui se déplacent sur les mers. Qui sommes-nous, pendant ces abîmes ? Ils supposent la vie qu’ils suspendent…

Mais ces merveilles, ces contemplations et ces extases n’éclaircissent pas pour mes yeux notre étrange problème de la beauté. Je ne sais pas attacher ces états suprêmes de l’âme à la présence d’un corps ou de quelque objet qui les suscite.

Phèdre

Ô Socrate, c’est que tu veux toujours tout tirer de toi-même !… Toi que j’admire entre tous les hommes, toi plus beau dans ta vie, plus beau dans ta mort, que la plus belle chose visible ; grand Socrate, adorable laideur, toute-puissante pensée qui changes