Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 1, 1931.djvu/90

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

le poison en un breuvage d’immortalité, ô toi qui, refroidi, et la moitié du corps déjà de marbre, l’autre encore parlante, nous tenais amicalement le langage d’un dieu, laisse-moi te dire quelle chose a manqué peut-être à ton expérience.

Socrate

Il est bien tard, sans doute, pour m’en instruire. Mais parle tout de même.

Phèdre

Une chose, Socrate, une seule t’a fait défaut. Tu fus homme divin, et tu n’avais peut-être nul besoin des beautés matérielles du monde. Tu n’y goûtais qu’à peine. Je sais bien que tu ne dédaignais pas la douceur des campagnes, la splendeur de la ville, et ni les eaux vives, ni l’ombre délicate du platane ; mais ce n’étaient pour toi que les ornements lointains de tes méditations, les environs délicieux de tes doutes, le site favorable à tes pas intérieurs. Ce qu’il y avait de plus beau te conduisant bien loin de soi, tu voyais toujours autre chose.

Socrate

L’homme, et l’esprit de l’homme.