Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 10, 1938.djvu/142

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pas qu’y fait notre vie, une activité perpétuelle enfante le bien et le mal, le faux et le vrai, le beau et l’horrible, tous les contraires qui sont de l’homme et le font homme, comme ils s’assemblent nécessairement et contrastent puissamment dans une capitale…

Penser Paris ? Mais comment penser Paris, quand nous ne pouvons même embrasser le système du simple organisme, concevoir l’unité que composent ses fonctions avec sa substance ; savoir ce qu’il puise dans son milieu, ce qu’il y repousse, ce qu’il en rejette, imaginer comme il s’édifie et s’accroît ; comme il développe ses liaisons intérieures ; comme il transforme ce qui l’entoure, et comme il se fait peu à peu un individu, un être incomparable aux autres, qui se distingue de tous ses semblables par une histoire, par des réactions, par des sympathies et des antipathies qui ne sont qu’à lui.

Cette rumeur que je ne cesse d’entendre, et que ne cesse de me verser le fleuve de la présence indéfiniment naissante de la Ville, cette riche rumeur grosse de mouvements que je retrouve et que je consulte entre deux idées, comme la voix confuse qui atteste le réel, est fille des grands nombres. Le nombre de Paris occupe, obsède, assiège mon esprit.

Que de relations, de conséquences, de rapprochements, de combinaisons, que de commencements et de fins scintillent de-