Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 10, 1938.djvu/145

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ceci que toutes ces caractéristiques s’y combinent, ne demeurent pas étrangères les unes aux autres. Les hommes éminents des spécialités les plus différentes finissent toujours par s’y rencontrer et faire échange de leurs richesses. Ce commerce très précieux ne pouvait guère s’instituer que dans un lieu où depuis des siècles l’élite en tous genres d’un grand peuple a été jalousement appelée et gardée. Tout Français qui se distingue est voué à ce camp de concentration. Paris l’évoque, l’attire, l’exige et parfois le consume.

Paris répond à la complexité essentielle de la nation française. Il fallait bien que des provinces, des populations, des coutumes et des parlers si dissemblables se fissent un centre organique de leurs rapports, un agent et un monument de leur mutuelle compréhension. En vérité, c’est là la grande, propre et glorieuse fonction de Paris.

Il est la tête réelle de la France où elle assemble ses moyens de perception et de réaction les plus sensibles. Par sa beauté et sa lumière, il donne à la France un visage sur lequel par moments vient briller toute l’intelligence du pays. Quand de fortes émotions saisissent notre peuple, le sang monte à ce front et le sentiment tout puissant de la fierté l’illumine.

Penser Paris ?…

Plus on y songe, plus se sent-on, tout au contraire, pensé par Paris.