Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 10, 1938.djvu/18

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s’était formées comme tout le monde, et qui servent à tout le monde à penser aux groupes humains, à leurs relations réciproques et à leurs gênes mutuelles.

Essayer de préciser en ces matières n’est assurément pas le fait des hommes qui s’y entendent ou qui s’en mêlent : il s’agit donc d’un amateur.

Je ne sais pourquoi les entreprises du Japon contre la Chine et des États-Unis contre l’Espagne, qui se suivirent d’assez près, me firent, dans leur temps[1] une impression particulière. Ce ne furent que des conflits très restreints où ne s’engagèrent que des forces de médiocre importance ; et je n’avais, quant à moi, nul motif de m’intéresser à ces choses lointaines, auxquelles rien dans mes occupations ni dans mes soucis ordinaires ne me disposait à être sensible. Je ressentis toutefois ces événements distincts non comme des accidents ou des phénomènes limités, mais comme des symptômes ou des prémisses, comme des faits significatifs dont la signification passait de beaucoup l’importance intrinsèque et la portée apparente. L’un était le premier acte de puissance d’une nation asiatique réformée et équipée à l’européenne ; l’autre, le premier acte de puissance d’une nation déduite et comme développée de l’Europe, contre une nation européenne.

Un choc qui nous atteint dans une direction imprévue nous donne

  1. 1895 (cf p. 153 le Yalou) et 1898.