Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 10, 1938.djvu/27

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drame politico-historique inextricable. Nul d’entre nous ne peut intégrer, reconstituer la nécessité de l’univers politique où il se trouve, au moyen de ce qu’il peut observer dans sa sphère d’expérience. Les plus instruits, les mieux placés peuvent même se dire, en évoquant ce qu’ils savent, en le comparant à ce qu’ils voient, que ce savoir ne fait qu’obscurcir le problème politique immédiat qui consiste après tout dans la détermination des rapports d’un homme avec la masse des hommes qu’il ne connaît pas. Quelqu’un de sincère avec soi-même et qui répugne à spéculer sur des objets qui ne se raccordent pas rationnellement à sa propre expérience, à peine ouvre-t-il son journal, le voici qui pénètre dans un monde métaphysique désordonné. Ce qu’il lit, ce qu’il entend excède étrangement ce qu’il constate ou pourrait constater. S’il se résume son impression : Point de politique sans mythes, pense-t-il…

Ayant donc fermé tous ces livres écrits en un langage dont les conventions étaient visiblement incertaines pour ceux-là mêmes qui l’employaient, j’ouvris un atlas et feuilletai distraitement cet album des figures du monde. Je regardai et je songeai. J’ai songé tout d’abord au degré de précision des cartes que j’avais sous les yeux. Je trouvais là un exemple de ce qu’on nommait le progrès, il y a soixante ans. Un portulan de jadis, une carte du xviie siècle, une moderne, marquent nettement des étapes, me dis-je…

L’œil de l’enfant s’ouvre d’abord dans un chaos de lumières et d’ombres, tourne et s’oriente à chaque instant dans un groupe d’inégalités lumineuses ; et il n’y a rien de commun encore entre ces régions de lueurs et les autres sensations de son corps. Mais les petits mou-