Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 10, 1938.djvu/40

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les plus viles : des instincts, des idoles, des souvenirs, des regrets, des convoitises, des sons sans signification et des significations vertigineuses… tout ce dont la science, ni les arts, ne voulaient pas, et même qu’ils ne pouvaient plus souffrir.

Toute politique implique, (et généralement ignore qu’elle implique), une certaine idée de l’homme, et même une opinion sur le destin de l’espèce, toute une métaphysique qui va du sensualisme le plus brut jusqu’à la mystique la plus osée.

Supposez quelquefois que l’on vous remette le pouvoir sans réserves. Vous êtes honnête homme, et votre ferme propos est de faire de votre mieux. Votre tête est solide ; votre esprit peut contempler distinctement les choses, se les représenter dans leurs rapports ; et enfin, vous êtes détaché de vous-même, vous êtes placé dans une situation si élevée et si puissamment intéressante que les propres intérêts de votre personne en sont nuls ou insipides au prix de ce qui est devant vous et du possible qui est à vous. Même, vous n’êtes pas troublé par ce qui troublerait tout autre, par l’idée de l’attente qui est dans tous, et vous n’êtes intimidé ni accablé par l’espoir que l’on met en vous.

Eh bien ! qu’allez-vous faire ? Qu’allez-vous faire aujourd’hui ?