Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 10, 1938.djvu/41

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Il y a des victoires per se et des victoires per accidens.

La paix est une victoire virtuelle, muette, continue, des forces possibles contre les convoitises probables.

Il n’y aurait de paix véritable que si tout le monde était satisfait. C’est dire qu’il n’y a pas souvent de paix véritable. Il n’y a que des paix réelles, qui ne sont comme les guerres que des expédients.

Les seuls traités qui compteraient sont ceux qui concluraient entre les arrière-pensées.

Tout ce qui est avouable est comme destitué de tout avenir.

On se flatte d’imposer sa volonté à l’adversaire. Il arrive qu’on y parvienne. Mais ce peut être une néfaste volonté. Rien ne me paraît plus difficile que de déterminer les vrais intérêts d’une nation, qu’il ne faut pas confondre avec ses vœux. L’accomplissement de nos désirs ne nous éloigne pas toujours de notre perte.

Une guerre dont l’issue n’a été due qu’à l’inégalité sur le champ de bataille, et ne représente donc pas l’inégalité des puissances totales des adversaires, est une guerre suspendue.