Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 10, 1938.djvu/54

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variables à chaque instant, dont il n’est que la somme.

Il faut donc reconnaître l’existence d’un monde politique, qui est un autre monde, qui, agissant en tout lieu, n’est observable nulle part, et qui occupe une quantité d’esprits de toute grandeur, est, par conséquence, réductible à un ensemble de conventions entre tous ces esprits.

La politique se résout ainsi en des combinaisons d’entités conventionnelles qui, s’étant formées on ne sait comment, s’échangent entre les hommes, et produisent des effets dont l’étendue et les retentissements sont incalculables.

Tout développement de la vie en société est un développement de la vie de relation, qui est cette vie combinée des organes des sens et des organes du mouvement, par quoi s’institue le système de signaux et de relais que les tâtonnements, l’expérience et l’imitation précisent et fixent.

Une convention n’est autre chose qu’une application de cette propriété si remarquable. Le langage est une convention, comme toute correspondance entre des actes et des perceptions qui pourrait être substituée par une autre est une convention par rapport à l’ensemble de toutes ces possibilités.

Mais toutes les conventions ne sont pas également heureuses, ni également simples, ni également aisées à instituer. Ce qui importe le plus, c’est qu’une convention soit uniforme, c’est-à-dire non équivoque. Cette condition est assez facile à satisfaire quand l’objet de la convention est sensible, quand on attache un signe à un corps, ou à une qualité d’un corps, ou à un acte.