Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 10, 1938.djvu/94

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

si augustes que l’usage leur en paraît indécent. Ils s’éloignent des partis qui le supportent, le pratiquent, en vivent : c’est-à-dire, de tous les partis.

Toute politique, même la plus grossière, suppose une idée de l’homme, car il s’agit de disposer de lui, de s’en servir, et même de le servir.

Qu’il s’agisse de partis ou de régimes ou d’hommes d’État, il serait peut-être instructif de chercher à extraire de leurs tactiques ou de leurs actes, les idées de l’homme qu’ils se firent ou qu’ils se font.

Je me demande s’il en est un seul qui ait pris le temps et la peine d’y réfléchir profondément, et je m’assure du contraire.

Je propose une autre recherche : étudier les variations de la liberté individuelle, depuis x années.

Il s’agirait d’examiner les lois successives : les unes accroissent, les autres restreignent le domaine des possibilités de chacun. À partir de tel jour, on ne peut plus être dentiste sans examen et diplôme. À telle date, tout le monde fut astreint au service militaire. À telle autre il fut permis de divorcer. Trente ans après, l’obligation de confesser au fisc tout ce que l’on gagne fut instituée. Vers 1820, c’était une toute autre confession qui fut requise.

On voit que le contour de notre domaine de libertés est fort