Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 2, 1931.djvu/43

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« Mais qu’avez-vous ? lui dis-je, je puis…

J’ai, dit-il,.. pas grand’chose. J’ai… un dixième de seconde qui se montre… Attendez… Il y a des instants où mon corps s’illumine… C’est très curieux. J’y vois tout à coup en moi… je distingue les profondeurs des couches de ma chair ; et je sens des zones de douleur, des anneaux, des pôles, des aigrettes de douleur. Voyez-vous ces figures vives ? cette géométrie de ma souffrance ? Il y a de ces éclairs qui ressemblent tout à fait à des idées. Ils font comprendre, — d’ici, jusque-là… Et pourtant ils me laissent incertain. Incertain n’est pas le mot. Quand cela va venir, je trouve en moi quelque chose de confus ou de diffus. Il se fait dans mon être des endroits. brumeux, il y a des étendues qui font leur apparition. Alors, je prends dans ma mémoire une question, un problème quelconque… Je m’y enfonce. Je compte des grains de sable… et, tant que je les vois… — Ma douleur grossissante me force à l’observer. J’y pense ! — Je n’attends que mon cri, et dès que je l’ai entendu — l’objet, le terrible objet, devenant plus petit, et encore plus petit, se dérobe à ma vue intérieure…

« Que peut un homme ? Je combats tout, —