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Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 2, 1931.djvu/44

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hors la souffrance de mon corps, au delà d’une certaine grandeur. C’est là, pourtant, que je devrais commencer. Car, souffrir, c’est donner à quelque chose une attention suprême, et je suis un peu l’homme de l’attention… Sachez que j’avais prévu la maladie future. J’avais songé avec précision à ce dont tout le monde est sûr. Je crois que cette vue sur une portion évidente de l’avenir, devrait faire partie de l’éducation. Oui, j’avais prévu ce qui commence maintenant. C’était, alors, une idée comme les autres. Ainsi, j’ai pu la suivre. »

Il devint calme.

Il se plia sur le côté, baissa les yeux ; et, au bout d’une minute, parlait de nouveau. Il commençait à se perdre. Sa voix n’était qu’un murmure dans l’oreiller. Sa main rougissante dormait déjà.

Il disait encore : « Je pense, et cela ne gêne rien. Je suis seul. Que la solitude est confortable ! Rien de doux ne me pèse… La même rêverie ici, que dans la cabine du navire, la même au café Lambert… Les bras d’une Berthe, s’ils prennent de l’importance, je suis volé, — comme par la douleur. Celui qui me parle, s’il ne prouve pas, — c’est un ennemi. J’aime mieux l’éclat du moindre fait qui se