Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 2, 1931.djvu/94

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sonne déjà toute disposée à ne plus vous voir de longtemps. Je ne vous retrouvais plus dans le temps rapproché, et cependant je vous tenais la main. Vous m’étiez coloré d’absence, et comme condamné à ne point avoir d’avenir imminent. Je vous regardais de près, Je vous voyais au loin. Vos mêmes regards ne contenaient plus de durée. Il me semblait qu’il y eût entre vous et moi deux distances, l’une encore insensible, l’autre immense déjà ; et je ne savais pas quelle il fallait prendre pour la plus réelle des deux.

J’ai observé, pendant le trajet, s’altérer les attentes de mon âme. Certains ressorts se détendent, d’autres se roidissent. Nos prévisions inconscientes, nos étonnements éventuels échangent leurs positions profondes. Si je vous rencontrais demain, ce me serait une grande surprise…

Tout à coup je me sentis à Paris, quelques heures avant que d’y être. Je reprenais sensiblement mes esprits parisiens qui s’étaient un peu dissipés dans mes voyages. Ils s’étaient réduits à des souvenirs ; ils redevenaient maintenant des valeurs vivantes et des sources que l’on doit utiliser à chaque instant,

Quel démon que celui de l’analogie abstraite | — Vous savez comme il me tourmente quelque-