Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 4, 1934.djvu/159

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pection et à l’occupation de toute la terre, qui est, à mes yeux, le fait dominant de notre siècle.

Vous voyez que je fais, moi aussi, mes conventions d’importance.

L’histoire, d’ailleurs, exige et implique bien d’autres parti-pris. Par exemple, parmi les règles de son jeu, il en est une dont on croit si aisément qu’elle est significative par elle-même, et utilisable sans nulle précaution, qu’il m’est arrivé de faire scandale pour avoir voulu, il y a quelque temps, en chercher l’exacte expression.

Oserai-je vous parler de la Chronologie, jadis reine cruelle des examens ? Oserai-je troubler votre jeune notion de la causalité, vous rappeler le vieux sophisme : Post hoc, ergo propter hoc, qui joue un beau rôle en histoire ? Vais-je vous dire que la suite des millésimes a la grande et restreinte valeur de l’ordre alphabétique, et que d’ailleurs la succession des événements ou leur simultanéité n’ont de sens que dans chaque cas particulier, et dans les enceintes où ces événements puissent, au regard de quelqu’un, agir ou retentir les uns sur les autres ? J’aurais peur d’étonner et de choquer si j’insinuais devant vous qu’un Micromégas, qui vagabonderait au hasard dans le Temps, et qui, de l’antique Alexandrie, prise au moment de son grand éclat, tomberait dans un village africain ou dans tel hameau de la France actuelle, devrait nécessairement supposer que la brillante capitale des Ptolomées est de trois ou quatre mille ans postérieure à l’agglomération de cases ou de masures dont les habitants sont nos contemporains.

Toutes ces conventions sont inévitables. Je ne critique que la négligence qui ne les rend pas explicites, conscientes, sensibles à l’esprit. Je regrette que l’on n’ait pas fait pour l’histoire ce que