Aller au contenu

Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 4, 1934.djvu/163

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

divertissement de l’esprit, c’est que nous espérons en tirer des enseignements. Nous pensons pouvoir déduire de la connaissance du passé quelque prescience du futur.

Rapportons donc cette prétention à l’Histoire de nous-mêmes, et si nous avons déjà vécu quelques dizaines d’années, essayons-nous à comparer ce qui s’est passé à ce que nous pouvions attendre, l’événement à la prévision.

J’étais en Rhétorique en 1887. (La Rhétorique, depuis lors, est devenue Première : grand changement dont on pourrait déjà tirer une réflexion infinie).

Eh bien, je me demande à présent ce que l’on pouvait prévoir en 87 — il y a quarante-cinq ans, — de ce qui est advenu depuis lors ?

Remarquez que nous sommes dans les meilleures conditions de l’expérience historique. Nous possédons une quantité peut-être excessive de données : livres, journaux, photographies, souvenirs personnels, témoins encore fort nombreux. L’histoire, en général, ne se construit pas avec un tel luxe de matériaux.

Eh bien, que pouvait-on prévoir ? Je me borne à poser le problème. Je vous indiquerai seulement quelques traits de l’époque où je faisais ma Rhétorique.

En ce temps-là, il y avait dans les rues quantité d’animaux qui ne se voient guère plus que sur les champs de courses, et nulle machine. (Observons ici que d’après certains érudits l’usage du cheval comme tracteur n’entre dans la pratique que vers le XIIIe siècle, et délivre l’Europe du portage, système qui exige des esclaves. Ce rapprochement vous fait concevoir l’automobile comme « fait historique » ).

En ce même 87, l’air était rigoureusement réservé aux véri-